Ex-militante, derrière son écran.

Avec les récents événements, j'ai décidé de m'abstenir de tout commentaire (supplémentaire) et ai préféré parler de toutes ces causes que j'ai abandonnées au fur et à mesure (oui, je suis une lâche qui aime son confort quotidien), non parce qu'elles ne me tiennent plus à cœur, mais parce que j'ai estimé que ça ne servait à rien.

Voici venue l'heure des confidences.

La laïcité : Oui, je pensais que le Maroc devait devenir un pays laïc comme la Turquie (on voit bien comment Erdogan s'en sort aujourd'hui), et oui, je pensais qu'il fallait abroger toute loi en rapport avec la Charia, parce que la liberté, parce que le 21eme siècle, parce que l'humanisme. FOUTAISES. Nous n'avons que faire de laïcité quand on voit un mec engueuler un flic parce qu'il a raté l'heure de fermeture du "guerrab" (ou épicier d'alcool pour les non résidents) à cause du changement d'heure d'hiver. Ou alors à l'autre extrême, quand on voit un mec sortant de la mosquée reluquer les popotins des demoiselles.

Non, la religion n'est pas le problème.

L'anticonformisme : Ces deux sujets peuvent prêter à confusion, mais l'anticonformisme étaient, du moins pour un moment, une façon de se démarquer d'une société théo-phallocratique, sortir du joug des voisins et du "qu'en dira-t-on". Puis les gens se sont mis à se tatouer parce que c'est joli, à boire parce que c'est rigolo et maman serait furieuse, à toucher le sexe opposé parce que voyons à 15 ans il est temps quoi ! Et le mecs tout en noir avec un tatouage d'anti-christ sur le bras finit par à ressembler à Hello Kitty à côté, et l'anticonformisme devint conformisme.

Non, le conformisme n'est pas le problème.

La gauche : Le communisme, le socialisme, Marx, je pensais que c'étaient des causes, mais non. Les pays pauvres sont des pays de gauche, on est obligés. Dans la rue tu partages ton milk-shake avec le petit mendiant (très flippant, loin du gentil Ali Zaoua qui veut être marin), en achetant du pain tu en distribues un ou deux aux dames bien portantes et en capacité de travail assises sur la marche de la boulangerie, quand tu veux un service administratif tu partages ton huile d'olive chèrement achetée avec le pauvre fonctionnaire qui te fait croire que sa femme enceinte préfère celle de Fès à celle qu'elle a déjà. Le gardien de voitures invite le cadre à un café et le PDG fait sa prière sur le même tapis que l'ouvrier. Si ça ce n'est pas du marxisme!

Non, le capitalisme n'est pas le problème.

L'art : Sans parler de sculpture ou de peinture, mais juste les basiques: la musique et le cinéma me semblaient être une priorité sur laquelle sensibiliser nos jeunes pousses, les concerts et les festivals qui fleurissaient un peu partout me promettaient une révolution artistique, les groupes de ma ville natale me semblaient jouer du Mozart, et les films marocains "dérangeants" ressemblaient à du Kubrick pour moi. Puis j'ai vu des organisateurs se faire de l'argent avec des concerts gratuits, et des musiciens qui émoustillaient la foule devenir des chanteurs du samedi soir sur 2M. Du coup Stati m'a semblé beaucoup plus crédible.

Non, le manque d'art n'est pas le problème.

Le féminisme : On nous a longuement répété que tous les hommes de la Terre veulent juste se foutre de nous et prendre cette petite peau d'honneur et disparaître. On nous a rabâché que la femme doit préserver toute sa vie (son passé, son futur, son corps, son esprit, son temps) à l'homme qui la cachera (je ne trouve pas d'autre traduction à "ghadi istrek à bnti"). Je pensais que les femmes n'avaient besoin de personne et qu'elles devaient toutes le savoir. Mais on peut voir certaines trouver des maris à bras-le-corps pour les enfermer à la maison, ou d'autres être plus heureuses après un coup d'un soir qu'avec un gars stable et respectable. Et chacune a raison.

Non, la cause féminine n'est pas le problème

L'éducation : Sans remettre en cause l'ensemble du système scolaire défaillant, de part sa structure, son contenu et même son utilisation future, le fait de choisir sa voie soi-même, faire des études, croire en son potentiel et capacités, tout ce baratin de conseillers d'orientation n'est qu'une illusion. Soit tu veux étudier, soit tu ne le veux pas. Tu as des gosses qui coûtent 10 000dh par mois à leurs parents en cours et qui n'arrivent pas à faire une équation correcte, et d'autres qui n'ont même pas de parents pour payer, et qui arrivent au doctorat, dieu seul sait comment.

Non, les études ne sont pas le problème.